Nous revoilà dans la poursuite de notre quête de réponses sur les systèmes d’édition. La dernière fois, mon pauvre Zéli était totalement démoralisé en découvrant que les portes des éditeurs traditionnels étaient trop étroites pour lui… Parce que mon Zéli, il y croit à son roman et surtout, il a besoin de savoir… de se confronter à l’avis des lecteurs, alors nous nous sommes penchés sur un nouveau mode d’édition. Aujourd’hui, nous allons aborder l’édition à compte d’auteur.
Historiquement le premier système d’édition…
Surpris ? La publication à compte d’auteur a régné du XVI siècle jusqu’au XIX siècle sur le monde de l’édition. Vous connaissez sûrement des noms tels que Marcel Proust, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine ? Tous furent édités à compte d’auteur. Pourtant, malgré son historique, ce mode d’édition fait de nos jours l’objet d’une mauvaise réputation en raison de différentes « variantes » pouvant parfois se révéler abusives. Néanmoins, ce système demeure régi par un certain nombre de règles et certaines structures offrent des services de qualité.
Un auteur/client…
Les éditeurs à compte d’auteur sont des prestataires de service qui proposent des contrats de louage d’ouvrage régis par l’article L 132-2 du Code de la Propriété Intellectuelle et non des contrats d’édition classique tels qu’ils sont définis dans l’article L 132-1 du CPI vu la dernière fois.
Ces établissements permettent à l’auteur de faire éditer son œuvre moyennant le coût du service apporté. Cette prestation comprend généralement la partie technique, à savoir la conception de la couverture, l’impression de l’ouvrage, mais aussi la diffusion dans une certaine mesure. Attention à ne pas confondre la diffusion avec la publicité. La diffusion consiste à rendre votre roman visible, accessible aux professionnels de la distribution comme les librairies, les grandes surfaces, les marchands de journaux ou les centrales d’achat, etc., cependant, lesdits professionnels restent libres de le sélectionner ou non. N’oublions pas que plus de 64 000 bouquins sont publiés par an en France (79 581 en 2019), ce qui représente près de 180 références par jour. Un jeune auteur inconnu peut facilement être éclipsé par les grands noms.
Le contrat classique…
Les contrats à compte d’auteur en bonne et due forme présentent généralement les caractéristiques suivantes :
Les avantages ?
- L’auteur conserve l’intégralité des droits et devient propriétaire du tirage. Dans tous les cas, il ne doit jamais être fait mention de droits d’auteur.
- La rémunération diffère par rapport au contrat traditionnel puisqu’on ne parle pas de droits d’auteur. En théorie, avec les contrats les plus simples, où il est uniquement question d’impression, l’auteur empoche l’intégralité des revenus. Cependant, si la prestation est plus poussée, et ce malgré la participation financière de l’auteur/client, l’éditeur peut s’octroyer un pourcentage sur les ventes, mais l’auteur perçoit la majorité (si ce n’est pas le cas, on bascule sur un contrat abusif). Cela peut sembler plus alléchant que les 8 % proposés par les éditeurs traditionnels, mais n’oubliez pas que vous aurez déjà vidé votre porte-monnaie pour un premier tirage et que le nombre de ventes dépendra de vos compétences commerciales.
- Souvent, la structure soumet plusieurs couvertures à l’écrivain pour laisser un « choix », ce qui n’est pas toujours possible avec un éditeur traditionnel.
- L’aide à la diffusion, même minime, peut être un vrai plus lorsque l’option « compte d’auteur » s’oppose à l’option « auto-édition ».
Les contreparties ?
- L’auteur est client et finance donc l’intégralité de la prestation dont le montant peut atteindre plusieurs milliers d’euros en fonction du volume de l’ouvrage.
- Ces structures ne prennent pas en charge ou très peu le fond du roman. De plus, la correction, les éventuels découpages ou rectifications sont censés être effectués en amont par l’auteur.
- Certains établissements peuvent proposer des services complémentaires comme une correction orthographique et typographique ainsi qu’une révision de la mise en page, mais cela engendre naturellement des frais supplémentaires.
- Un autre aspect à ne pas négliger : la publicité. Pour éviter que le roman ne se noie dans une marée d’ouvrages connus et inconnus, l’auteur doit faire preuve d’inventivité pour l’extraire des eaux et l’aider à prendre son envol. Cela peut paraître simple au premier abord, mais il ne faut pas s’y tromper, cela reste l’étape la plus ardue surtout pour une personne novice dans ce domaine ou au carnet d’adresses épuré.
Les contrats alternatifs…
Contrat à participation.
Il existe le contrat à compte d’auteur à participation. L’éditeur engage un certain investissement en prenant en charge une partie des frais. Toutefois, la question du risque éditorial se pose de nouveau et peut complexifier cette situation.
Le contrat de compte à demi.
Nous trouvons également le contrat de compte à demi. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un contrat à compte d’auteur parce que l’auteur ne finance pas directement l’édition de son ouvrage. Cependant, comme il ne dépend pas du L 132-1du CPI, mais est plutôt régi par l’article L 132-3 du Code de la Propriété intellectuelle et l’article L 1871 du Code Civil, il constitue une société en participation et est souvent classé dans la zone compte d’auteur à défaut d’autre chose.
Dans ce cas de figure, le professionnel prend en charge l’édition et la diffusion, mais l’auteur s’associe à l’éditeur au sein d’une société en participation. Ainsi, les deux parties s’engagent à partager les bénéfices et les pertes d’exploitation dans des proportions prévues au contrat. L’auteur a donc un droit de regard sur les comptes de l’entreprise. De plus, l’auteur conserve ses droits et, si l’affaire se porte bien, sa part sur les bénéfices peut se révéler bien plus importante que les pourcentages rétrocédés habituellement.
Les contrats abusifs…
Un certain nombre d’établissements proposant des contrats à compte d’auteur agissent en toute honnêteté en respectant les règles en vigueur. Néanmoins, à l’instar de l’édition à compte d’éditeur, ce système peut receler toute une palette de pratiques douteuses particulièrement défavorable à l’auteur, voire carrément malhonnête.
Ils sont déguisés en compte d’éditeur…
Le contrat conditionné.
Il existe des contrats à compte d’auteur déguisés en contrats à compte d’éditeur, ceux-là sont particulièrement redoutables. C’est notamment le cas du contrat conditionné où l’auteur signe un contrat d’édition classique d’une part et s’engage, en parallèle ou en coulisse, à acheter une partie du tirage qu’il devra ensuite revendre par ses propres moyens.
Le contrat panaché.
Nous découvrons également le contrat dit panaché qui reprend certaines modalités du contrat classique à compte d’éditeur comme la cession des droits principaux, mais auxquelles s’ajoute une facture exorbitante à la charge de l’auteur.
Plusieurs contrats à participation réelle de l’auteur.
Dans la palette des contrats abusifs, nous retrouvons ceux à participation (comme cité plus haut) où l’auteur participe au financement du premier tirage à hauteur de 20 à 80 % des frais. Cette formule devient abusive dans la mesure où elle exige également une cession partielle des droits.
Le contrat conditionné par la souscription préalable de l’auteur.
Ils peuvent se décliner comme un contrat à compte d’auteur soumis à souscription préalable de l’auteur. Le contrat d’édition prend effet uniquement lorsque l’auteur a trouvé un certain nombre de souscripteurs par ses propres moyens. Il est donc à la charge de l’auteur d’anticiper un certain nombre de ventes pour rentabiliser le tirage minimum. Ce nombre de ventes est ajusté au prorata du volume de l’ouvrage et donc de son coût d’impression. S’il n’atteint pas le quota, l’auteur peut choisir de souscrire le complément à son nom. Cette formule devient plus ou moins abusive en fonction du montant de la souscription (le coût unitaire est normalement inférieur au tarif final) et le nombre de souscriptions exigé (demande-t-on de souscrire pour 10 ou 80 % du tirage ?). Ce système peut être envisagé si votre ouvrage comporte peu de mots ou s’il s’agit d’un genre pouvant séduire un large public ou au contraire s’il est destiné à une cible restreinte et déjà connue. Attention à ne pas confondre avec le contrat à compte d’éditeur conditionné au résultat d’une souscription par l’éditeur abordé dans l’article précédent sur les éditeurs traditionnels, où c’est bien l’éditeur qui se charge des souscriptions.
Une histoire de maquette…
D’autres contrats demandent aux auteurs d’assumer le coût de la maquette en fournissant par exemple une maquette « bonne à imprimer ». S’il dispose de quelques notions dans ce domaine, l’auteur peut la réaliser lui-même, sinon il sera contraint de faire appel à un énième spécialiste.
Dans cette version « maquette », certaines structures peuvent la constituer elles-mêmes, mais toujours aux frais de l’auteur. La prestation peut alors être facturée d’une telle façon que le montant exorbitant comprend également une partie de la fabrication. De plus, comme l’éditeur prétend assumer le risque éditorial, il se permet souvent de prélever un pourcentage sur les ventes.
En définitive…
En définitive, nous retiendrons que des pratiques douteuses corrompent autant le marché de l’édition à compte d’auteur que le marché de l’édition traditionnelle. Toutefois, gardons surtout en tête que plusieurs établissements proposent un service d’édition à compte d’auteur complet et de qualité et dont les modalités sont présentées en toute transparence. Ce mode d’édition peut donc correspondre à certains profils, par exemple aux collectivités souhaitant éditer un ouvrage municipal ou encore pour un livre blanc ou un document de petit volume demandant un petit tirage et/ou destiné à une cible déjà connue.
Alors ? Édition à compte d’auteur ou pas ?
Voici quelques questions à vous poser avant de vous tourner vers ces structures :
Quelle est la cible ? (Tout public ou bien votre promo de doctorat ?)
Quel est le volume de l’ouvrage ?
À quel genre appartient-il ? (Fiction en tout genre ou plutôt pratique, religieux, analytique ?)
À combien d’exemplaires s’élève le tirage envisagé ?
Est-il destiné à la vente ? Si oui, sa commercialisation nécessitera-t-elle une démarche publicitaire ? Si oui, comment s’établira-t-elle ?
Ne pas oublier la question de votre budget et du financement.
J’espère que ce mode d’édition décrié vous apparaît moins trouble après ces quelques explications. Certes, les propositions douteuses demeurent présentes sur le marché, mais comme beaucoup de sujets, n’en faisons pas une généralité.
En tout cas, mon ami Zéli semble plus éclairé sur le sujet, cependant après avoir répondu aux dernières questions, il a constaté que son roman volumineux, destiné à être commercialisé auprès du grand public, ne se prête pas vraiment aux contrats à compte d’auteur… Le pauvre, il commence à désespérer, alors pour terminer notre quête de réponses et sélectionner enfin le mode d’édition le plus approprié à son tapuscrit, et au vôtre si vous êtes dans la même situation que lui 😉 , nous aborderons la prochaine fois le sujet de l’auto-édition qui fait également couler beaucoup d’encre…
À la semaine prochaine !
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Sources